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Retour sur la table-ronde Parole de descendants

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Dimanche 7 mai 2023, la Coque Nomade Fraternité organisait une table-ronde publique à Nantes réunissant des descendants d’armateurs négriers, d’esclaves et de békés. Retour sur cette rencontre exceptionnelle qui a permis de libérer la parole.

Le président et le vice-président de l’association La Coque Nomade Fraternité ont fait le discours d’ouverture de cette table ronde. Dieudonné Boutrin a insisté sur la question de la réappropriation de l’histoire de l’esclavage par les descendants de ceux qui l’ont vécu, tandis que Jean-Luc Cheny a présenté brièvement les objectifs de l’association.

Questionner ses origines

Le public a par la suite visionné une vidéo de présentation d’Emmanuel de Reynal, qui n’a pu être présent physiquement à cet évènement. Il y présente son parcours et son cheminement, ainsi que son rapport à cette histoire. Il a notamment écrit un livre « Ubuntu », terme issu de la langue bantoue et qui signifie « je suis ce que je suis, parce que tu es ce que tu es ». Cela lui a permis de mettre en lumière le fait qu’il était, certes, un descendant de béké, mais que cela ne constituait pas la totalité de son identité.

Aurélie Bambuck a ensuite pris la parole pour évoquer le questionnement sur son peuple originel, questionnement qu’elle a entamé depuis le CE2 en réaction à ce qu’on lui enseignait à l’école. Après avoir fait des enquêtes généalogiques et retrouvé ses ancêtres avec l’aide de CM98, elle a publié un livre, « Au nom de nos ancêtres ».

Emmanuel Gordien, quant à lui, a toujours connu ses origines, puisque son père connaissait les deux derniers fils de leur ancêtre africain qui avait été réduit en esclavage en 1849. Lors d’une grande marche organisée le 23 mai 1998, 40000 antillais se sont réunis pour honorer la mémoire de leurs ancêtres.

Bruno Maillard parle de « mémoire obligée », puisque cette quête de ses origines est la réponse à un traumatisme.

répondre à un besoin de récit partagé sur la traite négrière

Au sein de la famille de Pierre de Princé, il n’y a jamais eu de tabou à propos du passé d’armateur de la famille. Pierre a voulu retransmettre cette histoire en publiant un document synthétique sur la construction et les objectifs du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes.

Bruno Maillard note ce besoin de faire un « récit partagé » autour de cette histoire de la traite négrière, car de multiples acteurs ont été impliqués. À la suite de l’intervention d’une personne dans le public qui a raconté les retrouvailles et le pardon entre un descendant d’esclave guinéen et les descendants de ceux qui l’auraient vendu, Bruno Maillard a précisé que les Africains comme beaucoup de peuples, pratiquaient certes l’esclavage, mais ils ne réduisaient en esclavage que les captifs de guerre, les « étrangers ». Ils n’ont donc pas vendu leurs frères, mais des personnes qui venaient d’ailleurs (autre clan, autre tribu).

Djazoup N’gassa a renchéri en disant qu’il n’était pas cohérent que des personnes que le code noir considère comme « bien meuble » puissent avoir commercé avec les esclavagistes, puisqu’un commerce implique une relation (2 volontés, 2 êtres). Une autre personne dans le public a souligné le fait que l’histoire de la traite, ainsi que les héros qui y sont associés ne sont pas assez mis en valeur en Martinique et en Guadeloupe. Louis Delgrès et Joseph Ignace, qui ont résisté à l’oppression esclavagiste au prix de leur vie, ne sont pas acclamés.

Cette table ronde a surtout montré que concernant la mémoire de la traite, il reste du travail à faire pour réparer les identités brisées des uns et des autres.

Un texte de Kadia, bénévole pour La Coque Nomade Fraternité.

 

Merci aux intervenants

Emmanuel Gordien, descendant d’esclaves, médecin et président de l’association CM98, association mémorielle antillaise
Bruno Maillard, historien et professeur à l’université de Créteil
Emmanuel de Reynal, descendant de béké (propriétaires d’esclaves en Martinique)
Pierre de Princé, descendant d’armateurs nantais
Aurélie Bambuck, descendante d’esclaves martiniquais et guadeloupéens, autrice
Dieudonné Boutrin, descendant d’esclaves martiniquais et président de l’association La coque nomade-fraternité
Djazoup Djaze N’gassa, membre fondateur des anneaux de la mémoire